L'abbé Henri DIONNE, curé au Madawaska


Le texte qui suit est une note biographique, écrite en 1910, sur le Rév. Henri DIONNE, fils d'Antoine, dont nous retracerons la vie et le portrait d'une façon beaucoup plus élaborée à partir de divers documents historiques.

En 1802, une école fut construite à proximité de l'église de Ste-Anne-de-la-Pocatière. On la plaça en face du presbytère à l'endroit de l'école d'agriculture d'aujourd'hui. Ce fut la première école et M. Robert DUPONT en fut le premier instituteur.

Jusque là, une personne un peu instruite parcourait les maisons, réunissait les enfants, leur donnait de temps en temps des leçons de lecture et de catéchisme. La dernière institutrice ambulante fut une demoiselle DUPONT, surnommée la "Prussienne". Les parents donnaient une légère retribution à ce maître d'école intermittante et tout était dit.

Quelques années après son arrivée à Ste-Anne, M. le Curé PAINCHAUD obtint pour instituteur à l'école du village, M. Lucien SAILLANT, un ecclésiastique du Séminaire de Québec, obligé d'interrompre ses études théologiques par défaut de santé. Le jeune Henri DIONNE suivit les leçons de cet excellent professeur pendant quelques années, puis il entra au Collège de Ste-Anne, au mois d'octobre 1831, où il fut un élève studieux, sage et pieux. Il possédait une voix remarquable (témoignage de ses condisciples et renseignements donnés en 1899 par M. P.A. OUELLET.

Ses talents et ses bonnes dispositions l'aidèrent à faire de bonnes études et révélèrent en lui les marques d'une vocation sacerdotale. Dès que son cours fut terminé, le 11 août 1837, il revêtit l'habit ecclésiastique. Il fut professeur deux ans au Collège de Ste-Anne et termina ses études théologiques au Séminaire de Québec où il fut ordonné prêtre, le 15 juin 1840. Ni le temps, ni les soins de l'art médical ne purent triompher de la cruelle maladie dont il souffrait. Et c'est à Kamouraska qu'il s'éteignit le 14 mars 1861, agé de quarante-six ans. Son corps repose sous le sanctuaire de l'église de Ste-Anne, du côté de l'épître.

(Notes et Souvenirs, par L.A. LÉVÊQUE, curé de St-Camille, Montréal, 1910)


Son enfance

C'est à La-Pocatière que Salomée MIVILLE-DESCHÊNES donne naissance à Henri, le 9 septembre 1814, le sixième d'une famille de quinze. Au baptême, c'est Henri MIVILLE qui agit comme parrain ainsi que Marie de la DURANTAYE, comme marraine. On note qu'Antoine son père est absent au baptême. Etant le deuxième garçon de la famille, on peut penser qu'Henri a dû apporter sa contribution aux travaux de la ferme, à La-Pocatière. Tel que mentionné auparavant par le Rév. LÉVÊQUE, il a manisfesté, dès son jeune âge, des qualités et des talents particuliers qui lui ont permis d'entrer au Collège classique de La-Pocatière récemment fondé par le curé de la paroisse, l'abbé PAINCHAUD.

Le collège classique

Dans les nombreux documents personnels retournés au Collège, après son décès, on retrouve des notes de mathématiques ainsi qu'une caricature d'un certain Antoine. S'agit-il de son père ou d'un quelconque confrère de classe ? Ce pourrait être son père Antoine. Il porte une barbe, a beaucoup de cheveux plus ou moins frisés, le nez aquilin et un menton proéminent.

Le 1er juillet 1836, survient la noyade de l'un de ses confrères de classe, un dénommé Germain DEGAGNE, lors d'un pique-nique. A cette occasion, Henri a laissé un poème remarquable pour faire l'éloge de son confrère. On y remarque déjà cette très grande sensibilité qui le caractérisera plus tard.

Le grand séminaire et le Vicariat

Henri avait été tonsuré par Mgr Joseph SIGNAY dans la chapelle de l'Hopital Général de Québec, le 23 septembre 1837. Voici ce qu'écrivait Mgr SIGNAY à M. Alexis MAILLOUX, vicaire-général et curé de Ste-Anne-de-la-Pocatière, le 25 février 1839. "Que je serais content de trouver parmi vos ecclésiastiques un sujet zélé, ami des missions et apte à prendre la connaissance des langues sauvages, qui pourrait au printemps de 1840 se préparer à aller rejoindre M. BELCOURT que les sauvages de la Rivière-Rouge redemandent les larmes aux yeux et les mains jointes. Que dites-vous de ce M. Henri DIONNE, sous ce rapport, dont vous paraissez si content ? " (RAPQ, Vol. 1938-39, registre des lettres, Vol.18, p.469). On se souviendra que son père Antoine est décédé le 21 juillet 1839 et qu'il s'en suivit une période de grandes préoccupations et de soucis concernant le réglement de sa succession (voir la ruvriques SUCCESSION à ce sujet).

Le 13 juin 1840, un peu moins d'un an après le décès de son père Antoine, Henri est ordonné prêtre à Québec à l'âge de 26 ans et nommé vicaire à St-Gervais de Bellechasse, pour une courte période cependant. La proposition de partir pour la Rivière-Rouge à dû plaire à Henri, puisque le 3 mars 1841, alors qu'il était toujours vicaire à St-Gervais, il recevait du Rév. Chs-Félix CAZEAU la permission d'aller missionner à la Rivière-Rouge, au printemps de 1841. Hélas, telle ne fut pas la décision de Mgr SIGNAY qui, le 27 mai 1841, le nommait desservant des paroisses de Ste-Anne-de-Beaupré et de St-Ferréol.

De septembre 1841-43, Henri est nommé vicaire du curé LANGEVIN à St-Basile de Madawaska au Nouveau-Brunswick et desservant de la paroisse de Ste-Luce. C'est durant cette période que le traité d'Ashburton (1842) divisa le Madawaska en deux parties, soit le Madawaska américain (sud de la rivière St-Jean) et le Madawaska canadien (nord). Dans un document notarié en date du 8 octobre 1844, il est dit que Salomée MIVILLE est devenue veuve et demeure au Madawaska, sans doute avec son fils Henri.

Henri DIONNE, curé de Ste-Luce (1843-1860)

Henri fut nommé curé fondateur de la paroisse de Ste-Luce (devenue Frenchville-Maine) en 1843. Il demeura grand ami de son ancien curé LANGEVIN. En 1849, il fonde une mission à St-François, sur le territoire canadien. Il y construit d'ailleurs une magnifique église (connue sous le nom d' "église rouge" ) et un presbytère. On imagine facilement la lourde tâche du Curé Henri qui devait s'occuper de deux paroisses. Il ne ménagea pas ses efforts.

Le Rév. Henri DIONNE fut sans doute très économe mais d'une grande générosité. En 1852, il fait don de 40 louis au collège de la Pocatière. Le 10 octobre 1853, il envoie un autre don de 110 louis. "Si la mort me surprend, dit-il au Rév. François PILOTE, supérieur du Collège, ce sera un don ajouté aux 40 louis de l'année précédente. Puis le 26 juillet 1854, il envoie un autre don de 200 louis au même Collège. Dans l'espace de 2 ans, il aura envoyé 350 louis au Collège. En plus des dons de charité, Henri trouve le moyen d'aider à sa famille. Dans une lettre adressée à M. X..., en date du 26 octobre 1854, il écrit :

J'ai acheté un bon emplacement ici à Kamouraska que j'ai payé £ 160. J'y ai fait faire des réparations, de manière à rendre ce logement confortable et j'y entrerai avec ma famille dès lundi prochain, le 30 octobre . Je suis donc établi à Kamouraska pour au moins cinq ans.

Cette lettre donne à penser qu'Henri a dû éprouver des problèmes de santé et qu'il abandonna sa mission à Ste-Luce. Cependant Il n'en est rien puisqu'il continua son ministère jusqu'en 1860. C'est à ce moment seulement qu'il vint habiter cet emplacement de Kamouraska, en convalescence.

Différents Mc-GUIRCK et DIONNE

La période 1854-60 fut très éprouvrante pour ne pas dire fatale pour le bon curé Henri. En effet, des différents sont survenus avec un certain abbé Mc GUIRCK, sans doute d'une autre confessionnalité, exerçant son ministère dans une paroisse voisine, dont on ne connaît pas très bien l'origine, ainsi qu'avec l'évêque Mgr CONNALLY. Ce curé a réussi a monter la tête de quelques paroissiens de Ste-Luce contre le Rév. Henri DIONNE, ce qui eut pour effet de miner le moral et la santé du bon Curé. Les Archives du Collège de La-Pocatière que nous avons consultés font état d'une abondante correspondance entre le Rév. Curé DIONNE et son évêque, Mgr John SWEENY, du diocèse de St-Jean (Nouveau-Brunswick). On sait toutefois que l'un des litiges avec quelques paroissiens, Prudent GAGNON en tête, a porté sur la construction d'un couvent. Sans doute ne s'entendait-on pas sur l'emplacement de ce couvent, ce qui était assez fréquent dans les paroisses. Ce Prudent GAGNON a répandu des médisances, des calomnies et créé beaucoup de scandales dans la Paroisse.

Départ du Rév. Henri DIONNE

En décembre 1859, la santé et le moral du Rév. Henri DIONNE sont à ce point minés qu'il envoie sa démission à Mgr SWEENY, évêque de St-Jean. Les paroissiens de Ste-Luce expriment alors leurs sentiments d'indignation à l'occasion du départ de leur curé et regrettent les chagrins causés par quelques persécuteurs. Le 29 janvier 1860, ceux-ci offrent au Rév DIONNE une longue adresse, accompagnée de 800 signatures, que nous reproduisons ci-après. Cette adresse fut également publiée en anglais dans The New-Brunswick Reporter, édition du 24 février 1860.


Adresse des paroissiens de Ste-Luce à Henri DIONNE

Qu'il nous soit permis de vous appeler de ce doux nom dans ce moment où votre départ nous fait sentir plus vivement que jamais toute la douleur de la perte que nous allons faire.

Depuis près de vingt ans que vous travaillez sans relâche et consumez votre vie pour fonder et étendre cette belle paroisse de Ste-Luce dont les accroissements rapides une belle paroisse à St-François et une mission importante à Aroostock. La belle et superbe église de Ste-Luce, celle de St-François et la chapelle d'Aroostock sont des monuments de votre zèle autant que de votre charité. Tout en vous dévouant sans mesure aux intérêts spirituels de nos âmes, par la prédication et l'administration des sacrements en tout temps, en toute saison et jusque dans les endroits les plus éloignés de votre immense desserte, vous n'avez pas perdu de vue les intérêts temporels de nos familles. Vous avez été notre conseil dans mille occasions délicates et difficiles, vous nous avez défendus dans des circonstances importantes, vous avez marché à notre tête toutes les fois que l'honneur et l'intérêt de vos paroissiens exigeaient votre intervention.

Si quelques-uns de vos paroissiens ou anciens amis vous ont si indignement traité, veuillez croire, vénérable père, que c'est l'infiniment petit nombre et que tous les autres veulent rester étrangers à tout ce qui s'est fait et dit contre vous. Nous connaissons tous ce que vous avez fait pour nous; nous vous en serons éternellement reconnaissants.

En vous, nous perdons un Père, un Ami, un Bienfaiteur. Croyez à la sincérité de nos sentiments.Oh! avec quelle douleureuse surprise nous avons appris votre détermination bien arrêtée de vous séparer de nous. Nous aurions voulu éloigner la cause des chagrins qui depuis quelques mois vous rendait la vie si pénible. Tout ce que nous avons pu faire a été de protester dans nos coeurs comme nous protestons aujourd'hui tacitement contre l'odieux système de persécution employé contre vous pour vous décourager, système inspiré par un esprit de vengeance personnelle dont les causes nous sont bien connues, et dirigé dans l'ombre par de faux et hypocrites amis étrangers à cette paroisse, intéressés à votre éloignement.

Si quelques-uns des nôtres avaient pu un instant se laisser tromper et abuser par la calomnie, ils reconnaissent aujourd'hui leur erreur et se réunissent de grand coeur à ceux qui vous ont toujours été fidèles. Tout ce que nous vous disons en ce moment est bien peu de chose en comparaison de tout ce que nous ressentons et voudrions pouvoir dire. Nous regrettons d'être incapables de vous exprimer avec plus d'énergie la vivacité de notre reconnaissance et l'amertume de notre douleur. Pardonnez à notre impuissance.

Maintenant il ne nous reste plus qu'à faire des voeux pour votre bonheur. En quelque lieu que la divine Providence vous appelle, notre affection, notre respect, notre reconnaissance et nos synpathies les plus vives vous suivront toujours. Veuillez ne pas nous oublier et prier Dieu pour nous et nos familles, puisque c'est le dernier service que vous puissiez rendre; nous vous le demandons avec confiance.

Ste-Luce, Madawaska, ce 29 Janvier 1860.


Réponse de Henri DIONNE aux paroissiens de Ste-Luce

Ste-Luce, Madawaska, Janvier 29, 1860

Mes bons et braves amis,

Je vous remercie de tout coeur de votre adresse si pleine de reconnaissance et de généreux sentiments. Votre bon coeur fait trouver en moi des qualités que je regrette de ne pas avoir. Si j'ai pu faire quelque bien parmi vous, cela est dû à votre foi et à votre générosité.

C'est à Dieu seul qu'il faut renvoyer toute la gloire du peu de bien qui a pu s'opérer par mon ministère. Sachez, mes Amis, que je n'ai pas cessé d'admirer votre belle union, votre respect et votre dévouement pour moi; et je l'admire ce jour plus que jamais. En me séparant de vous, je n'aurais jamais cru donner lieu à une manifestation si honorable pour vous comme pour moi. Je vous avoue aussi que je ne pensais pas qu'il me fut si pénible de briser des liens qui nous unissaient depuis longtemps.

La cause de ma détermination vous est connue. Comme vous le dites très bien dans votre adresse, un odieux système de persécution a été employé contre moi. De faux amis étrangers à cette paroisse et intéressés à mon éloignement, aidés de quelques paroissiens trompés ont soufflé le feu de la discorde et fait circuler les plus noires calomnies. Je prierai Dieu pour ces pauvres âmes égarées. Elles reconnaitront plus tard toute leur erreur. Je pardonne tout le mal qu'on a voulu me faire. Courage, mes braves amis, nous tâcherons de nous consoler de part et d'autre, en demeurant toujours amis d'esprit et de coeur. Je vous laisse mes jeunes années, mes travaux, mes sacrifices, et je n'emporte avec moi qu'une santé épuisée.

Je me souviendrai de vous dans mes prières. De votre coté ne m'oubliez pas devant Dieu. Demeurons amis par les liens de la charité, en attendant que nous nous réunissions à jamais dans le ciel. Adieu. Adieu.

Henri DIONNE, ptre


Maladie du Rév. Henri DIONNE

Peu après son départ de Ste-Luce, avant même qu'il ait pu se rétablir des fatigues et tracas accumulés durant les dernières années de sa cure, M. Henri DIONNE est invité par Mgr C.F. BAILLARGEON à remplacer l'abbé Jacob COTE, de la mi-mai à la St-Michel. Deux mois plus tard, soit le 28 août 1860, il est déchargé de sa mission du Lac par l'évêque qui ne le savait pas malade. Il lui conseille cependant de se faire soigner et de demeurer à Ste-Anne jusqu'à son rétablissement. Voici ce qu'il lui écrit :

Archevêché de Québec, le 28 août 1860

Monsieur,

Je suis content que M. le grand Vicaire vous ait obligé de rester à Ste-Anne pour vous faire soigner. Si j'avais su votre maladie, je ne vous aurais pas proposé de vous charger de la mission du Lac. Vous avez besoin de repos ; et cette mission vous aurait obligé à voyager sans cesse. Je vous suis reconnaissant de votre bonne volonté; mais je vous décharge de par la présente; prenez le temps de vous soigner et de vous rétablir. Restez à Ste-Anne en attendant que vous soyez en état de reprendre le travail. Le séjour dans cette maison vous sera utile sous plus d'un rapport, car en même temps que votre santé se rétablira, comme je l'espère, vous aurez tous les moyens, en vivant au milieu des hommes exemplaires et instruits qui y habitent, de vous préparer à reprendre l'exercice du saint Ministère avec un nouveau zèle et à vous en acquitter avec plus de fruits pour les autres et pour vous même.

Votre dévoué,

C. J. Evêque de St-....

M. H. DIONNE, ptre
Collège de Ste-Anne

On constate, à la lecture de cette lettre, que Henri est très malade et qu'il a besoin de repos. Aucun document ne nous permet de connaître la cause exacte de sa maladie, à part quelques indices tirés d'une lettre adressée à M. Henri DIONNE par son neveu Germain LÉVESQUE, résidant de Ste-Luce, en date du 6 février 1861. Celui-ci s'informe de la santé de son oncle et lui envoie la composition et la prescription de remèdes pour sa maladie (goudron, racines, écorce). J'espère, dit-il, que vous viendrez nous faire de beaux et bons sermons comme on n'en a pas encore entendus depuis votre départ. Une autre lettre adressée au Rév. Henri DIONNE par M. James MADIGAN fait état de la gravité de sa maladie. Celui-ci lui suggère d'aller se faire soigner à Boston. Il est heureux que Priscille OUELLET soit venue soigner M. DIONNE, et il prodigue ses encouragements en même temps qu'il rappelle les bons souvenirs de Ste-Luce.

La correspondance échangée entre M. DIONNE et son neveu Germain LÉVESQUE nous apprend aussi que le Rév. Henri a dû effectuer des prêts en argent pour venir en aide à certains de ses anciens paroissiens; peut-être même s'est-il impliqué dans certaines affaires. Voici la transcription d'une de ces lettres:

Ste-Luce, Madawaska, Novembre 10, 1860

Révérand,

Je viens de recevoir la vôtre du 28 octobre avec la procuration, je m'empresse d'y répondre pour vous dire que l'argent est extrêmement rare. J'ai parlé à plusieurs personnes en haut. Aujourd'hui j'ai fait faire une annonce à l'église en donnant encore huit jours d'attente mais je crois que c'est encore du temps perdu, car ceux qui ont de l'argent n'en doivent pas et ceux qui en doivent n'en ont pas. Il faut donc poursuivre et faire vendre le butin de ces gens. Je dis vendre pour ne pas dire donner car on n'est pas capable de trouver six piastres en argent pour une vache. J'ai offert votre poulain pour trente-cinq piastres et personne n'en veut; vous pouvez juger par ceci qu'il n'y a pas d'argent, car ce poulain vaut à peu près soixante piastres.

J'ai affiché vos deux notices une ici et l'autre à Fish River, mais je n'ai pas encore assermenté l'autre. Aussitôt que je pourrai aller à Fish River, je l'assermenterai devant M. PAGE qui est Juge de paix...Georges LAUZIER m'offre du boeuf et du lard en paiement sur son billet qui est payé tout effet comme vous le savez, il dit qu'il vous le mènera si vous voulez lui payer son voyage et aussi quel est le prix que vous donnerez du boeuf et du lard. Paul LONG m'a payé et j'ai achevé de payer le père LAUZIER, qui en avait grand besoin.

Avant de poursuivre, je vais attendre votre réponse et veuillez me croire,

pour Serviteur Dévoué

Germain LÉVESQUE

Dans une autre lettre, le 1er février 1861, le même Germain LÉVESQUE, fils de Germain et de Salomée DIONNE, rend compte au Révd Henri DIONNE de son agence d'affaires au Madawaska. Ce qui confirme bien que ce dernier entretenait des relations d'affaires à Ste-Luce. Il est possible que ceci soit à l'origine des problèmes qu'il a connus durant son Ministère.


Testament et décès du Révérend Henri DIONNE

C'est finalement le 6 mars 1861 que M. DIONNE rédiga son dernier testament devant le Notaire MORIN, en la maison de Charles DERY, écuyer, où il dut recevoir des soins médicaux, à St-Louis de Kamouraska, dont voici quelques extraits :

Premièremnt, donne et lègue à mes frères et soeurs, savoir Joseph DIONNE, Ubald DIONNE, Augustin DIONNE, Olympe DIONNE, Hortense DIONNE, Cyprien DIONNE, Salomée DIONNE, Marie DIONNE, Zoé DIONNE et Julie DIONNE, chacun la somme de quarante piastres courant,
......
......

Sixièmement, je donne et lègue à Priscille OUELLET, ma Domestique, la somme de vingt-cinq louis courant et la jouissance et usufruit pendant le temps de son vivant, d'un circuit de terre ou emplacement m'appartenant, situé en la paroisse de Ste-Luce de Madawaska.

Septièmement, je donne et lègue à Josephte PELLETIER, mon autre servante, la somme de dix louis courant.

No. 9024 Le 6 mars 1861

C'est le 14 mars 1861 que s'éteignit le Révd Henri DIONNE, à Kamouraska, à l'âge de 46 ans et 6 mois, des suites d'une maladie inconnue. Il fut inhumé dans l'église paroissiale de Ste-Anne.

Divers témoignages, dont celui de Mgr Wilfrid LEBON, dans son Histoire du Collège de Ste-Anne-de-la-Pocatière, publié en 1948, confirment les grandes qualités de générosité et de dévouement du défunt Henri DIONNE. "Il laisse au Collège de Ste-Anne, pendant trois ans, sans intérêt, la somme de trois cent soixante louis qu'il a déposés depuis 1852, avec intention de les donner au Collège à sa mort"....peut-on y lire. "Au commencement de 1860, fatigué du ministère, M. DIONNE revint dans le diocèse de Québec pour y chercher paix et repos. Il usa peu de l'hospitalité que lui offrit le Collège et se mit, à Kamouraska, sous les soins du docteur MICHAUD qui avait sa confiance. Généreux pour tous, il n'a jamais oublié son Alma Mater (L'ostensoir de la chapelle est un don de M. DIONNE), à laquelle il légua sa succession, avec charge unique de faire continuer à trois élèves leurs études".

On pourrait allonger la liste des témoignages d'admiration à l'égard de l'oeuvre du Rév. Henri DIONNE. Mentionnons seulement l'éloge qu'en a fait Mgr DUGAL, historien et ancien curé de St-Basile, de 1876-1929, dans sa monographie de la paroisse de Ste-Luce devenue Frenchville-Maine. Ses deux années de vicariat l'avaient fait connaître et apprécier tant par les gens de St-Basile et de Ste-Luce que par le curé LANGEVIN. D'un coeur sensible et d'un esprit cultivé, ce jeune prêtre avait su plaire à tous et gagner la confiance universelle...Puis, en 1860, le vénéré dévoué père Henri DIONNE, épuisé de fatigues par un lourd ministère, toujours exécuté avec un soin et une précision admirables (témoins ses précieux registres paroissiaux) décida de prendre sa retraite...Il choisit comme endroit de repos pour ses vieux jours la région privilégiée de son enfance et de sa jeunesse, soit la région de Kamouraska... Ce prêtre doué de caractère doux et affable, aux manières engageantes, a laissé un souvenir impérissable dans toute la contrée madawaskayenne.

Voilà qui termine cette courte biographie de l'abbé Henri DIONNE, frère de notre ancêtre Joseph DIONNE qui vint s'installer à Ste-Flavie vers les années 1865. On peut sans doute admirer chez ces deux ancêtres l'esprit d'aventure, le courage, le dévouement pour ne pas dire l'esprit missionnaire qui les caractérisent. Sans doute pourrait-on extrapoler quelque peu sur le caractère du grand-père Josée (Joseph) qui devait bien, à certains égards, partager les mêmes traits de physionomie ou de personnalité que ceux de son vénérable frère. Cette biographie nous aura également fourni des renseignements intéressants sur le contexte historique du temps et sur les us et coutumes de nos ancêtres.

Ci-contre, un portrait du Rév. Henri DIONNE, frère de notre aïeul Joseph (installé à St-Joseph-de-Lepage vers 1865) et d'Olympe (Mme André Bérubé, déjà présente à St-Octave-de-Métis, avant 1860), tel qu'il apparaît sur une mosaïque du Collège de Ste-Anne-de-la-Pocatière. Cette mosaïque représentant les prêtres nés à Ste-Anne, est tirée de Sainte-Anne de la Pocatière 1672-1972, par Gérard Ouellet. Le Révérand apparaît en quatrième position sur la mosaïque.

Henri DIONNE (1814-1861)